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À Gaza, un ingénieur crée une machine pour produire de l'eau potable

Abou assi, inventeur à Gaza

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Chaque année, les habitants de Gaza consomment 180 millions de mètre cubes d'eau, alors qu’il ne faudrait en utiliser que 60 au maximum pour ne pas épuiser les réserves. Selon les projections de l’ONU, d’ici cinq ans, 500 000 habitants de plus porteront la consommation à 260 millions de mètres cubes par an. Une catastrophe annoncée qui a poussé un ingénieur à Gaza à se tourner vers la nanotechnologie pour trouver une solution durable.

"Le manque d'eau nous inquiète tous"

"À Gaza, les préocupations concernant l'eau sont quotidiennes. Majdi Fathi, habitant de la zone et photographe, nous décrit le système d'accès à l'eau potable, coûteux et compliqué.

L’eau qui sort des robinets à Gaza est salée. Elle est impropre à la consommation. Nous ne l’utilisons que pour faire la vaisselle, nous laver, etc.... Pour boire, nous devons compter sur notre vendeur d’eau. Chaque famille a son fournisseur. [Le plus souvent, il s’agit d’entreprises privées qui ont des usines de désalinisation non réglementées, dont l’eau produite est chère et la qualité critiquée, NDLR.] À l’achat, 500 litres d’eau coûtent 2 dollars. Dans ma famille, nous sommes dix. Avec ça, on peut tenir 25 jours. Mais certains habitants à Gaza n’ont pas les moyens de s’acheter des bouteilles d’eau. Pour les plus pauvres, ce sont des camions de la municipalité qui les fournissent en eau gratuitement. Le manque d’eau nous inquiète tous. Souvent, l’eau ne coule plus dans les robinets et nous devons utiliser l’eau potable que nous achetons à d’autres fins. Acheter de l’eau aux vendeurs n’est pas une solution durable ! "

"Gaza étant au bord de la Méditerranée, j'ai imaginé un système de filtrage domestique de l'eau de mer"

Pour Abou Assi, 29 ans et ingénieur à Gaza, la solution à cette crise est la désalinisation de l'eau de mer. Aujourd'hui, il pense savoir comment produire une eau de qualité et peu coûteuse en énergie avec une machine qui utilise la nanotechnologie.

La nappe phréatique, principale ressource en eau potable à Gaza, est aujourd’hui surexploitée et polluée par des nitrates provenant de l'agriculture et par l'infiltration d'eau salée. L’aquifère de Gaza pourrait devenir inutilisable dès 2016, selon les Nations Unies.

Au cours de mon master en ingénierie à l’Université islamique à Gaza, je me suis donc mis à la recherche d’une solution radicale. Gaza étant au bord de la Méditerranée, j’ai imaginé un système de filtrage de l’eau de mer.

Il existe sept usines de désalinisation de l’eau à Gaza. Elles produisent toutes entre 45 et 80 mètres cubes d’eau par heure. Le problème, c’est que ces usines utilisent la technique de l’osmose inverse [un système de désalinisation de l'eau par une très fine membrane qui sépare les molécules d'eau du sel, NDLR]. Ce procédé, aussi ingénieux soit-il, consomme beaucoup d’énergie pour fonctionner. Et à Gaza, nous en manquons cruellement, notamment parce que la centrale électrique de Gaza est régulièrement à l'arrêt à cause du manque de combustible [la centrale fournit près d’un tiers des besoins énergétiques à Gaza, NDLR].

J’ai donc réfléchi à une technique pour dessaler l’eau de mer qui consomme moins d’énergie. C’est ainsi que m’est venue l’idée d’utiliser la nanotechnologie. Cette science, qui agit à très petite échelle, permet de filtrer les bactéries et surtout le sel.

Avec ma petite équipe, nous avons mené 170 expériences en 14 mois avant de parvenir à créer une machine qui réduise la salinité de l’eau de mer à un degré acceptable pour être consommée.

Le fonctionnement de la machine est simple. La machine pompe l'eau de la mer à grande vitesse à travers des tuyaux en fer. L’eau passe ensuite par des boîtiers électroniques qui projettent l’eau à travers des membranes en nanomatériaux. Les membranes utilisées ont de petits pores microscopiques qui bloquent le chlorure de sodium (le sel) tout en permettant aux molécules d’eau de passer à travers. Après avoir été filtrés, les minéraux utiles sont réinjectés dans l’eau. L’eau qui sort du robinet de la machine est propre à la consommation.

Grâce à cette machine, il est maintenant possible de traiter un mètre cube d’eau par jour en utilisant 60 % d’énergie en moins. Et la qualité de l’eau produite est conforme aux normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui fixe des limites à respecter pour un certain nombre de substances dans l’eau potable dont le chlore, le calcaire, le plomb, les nitrates, les pesticides et les bactéries. Pour l’instant, la teneur en nitrates dans l’eau dite potable à Gaza atteint parfois jusqu’à 220 mg par litre, alors que l’OMS recommande de ne pas dépasser 50 mg par litre. Une eau potable mal traitée peut causer des problèmes de santé, chez les enfants en particulier. [L’OMS a notamment souligné l’augmentation du nombre d’enfants souffrant de diarrhée à Gaza, NDLR.]

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Grâce à une bourse du Middle East Desalination Research Center, basé à Oman, et au soutien de l’Université islamique à Gaza, j’ai pu obtenir une partie des moyens pour mener cette recherche. Mais cela restait insuffisant et je me suis endetté à hauteur de 7 000 euros pour aller jusqu’au bout.

À ce stade, pour passer du prototype à une application pratique, j’ai besoin d’un autre soutien financier. Ce qui me semble réalisable est de créer un petit modèle qui puisse être installé dans les maisons individuelles des habitants de Gaza. Pour le développer, une bourse de 20 000 dollars suffirait. Mais pour résoudre les problèmes en eau potable de toute la bande de Gaza, il faudrait construire une centrale de désalinisation utilisant cette nanotechnologie. Elle aurait un coût important – environ 300 000 millions de dollars – et il y aurait toujours la crainte que l’usine soit bombardée, comme cela s’est passé pour la centrale électrique.

Nous avons adressé des demandes aux responsables politiques à Gaza et à Ramallah, mais nous n’avons pas encore obtenu de réponses. Nous espérons un soutien tant des institutions palestiniennes que de la communauté internationale.

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