Initiés par l’Union européenne en 2000, les Accords de Partenariat Économique (APE) sont censés favoriser le développement économique et réduire la pauvreté en Afrique de l’Ouest. Cependant, en contraignant cette dernière à supprimer la plupart de ses protections commerciales vis-à-vis des importations de produits européens, les A.P.E serviront plus les intérêts d’une poignée de multinationales européennes tout en anéantissant le potentiel de développement des entreprises locales, à l'instar des programmes d'ajustement structurel qui, dans les années 90, ont entraîné la faillite des économies africaines au profit des multinationales. Avec les A.P.E, le risque majeur est précisément de détruire dans l’œuf l'émergence des filières industrielles africaines qui peinent déjà à se mettre en place.
Les Accords de partenariat économique (APE) déchaînent les passions sur les réseaux sociaux en Afrique de l’Ouest. Acceptés en mai par le Sénégal, mais pas encore par le Nigeria et la Gambie, réticents, ces accords de libre-échange avec l’Union européenne (UE) visent à rendre réciproques les avantages consentis aux produits africains sur le marché européen, où ils entrent librement.
Jusqu’à maintenant, l’Afrique de l’Ouest peut exporter librement ses productions - sans acquitter de droits de douane - vers le marché européen. En revanche les Etats ouest-africains conservent la possibilité de taxer les importations venant d’Europe.
L’Union européenne (UE) exige désormais la réciprocité : pour continuer à bénéficier du traitement préférentiel européen, l’Afrique de l’Ouest devrait supprimer ses droits de douane sur 82% des importations d’origine européenne. Ce chantage s’appelle « APE ». Tomates, carottes, lait en poudre, chocolat et autres biscuits fabriqués en Europe - parfois à partir de matières premières africaines - vont pouvoir entrer librement sur le marché africain, et ce même si ces pays n’ont pas les moyens de subventionner leur agriculture comme le fait l’Europe, première puissance agricole mondiale, ni de protéger leurs filières locales contre ce que beaucoup dénoncent déjà comme une «concurrence déloyale».
Cette libéralisation des échanges consacrerait la liberté du renard européen dans le poulailler ouest-africain. L’APE mettrait en compétition la zone économique la plus riche avec une des régions les plus pauvres du monde : seuls 6 % des produits ouest-africains sont plus compétitifs que ceux de l’Union européenne ! C’est tout le tissu économique local de l’Afrique de l’Ouest, constitué de petites et moyennes entreprises et d’exploitations agricoles familiales, qui serait alors mis en danger par cet accord.
De plus, l’Afrique de l’Ouest perdrait 1,3 milliard d’euros de recettes fiscales par an, 5 ans après l’entrée en vigueur de l’APE et 3,2 milliards la 20ème année. La perte cumulée sur les 20 premières années s’élèverait à 30 milliards d'euros et continuerait à progresser, ce qui serait un handicap gigantesque pour l’investissement des Etats d’Afrique de l’Ouest dans le développement, y compris pour le soutien aux agricultures familiales et paysannes.
A.P.E : «Accords de pendaison économique»
Au Sénégal, une levée de boucliers est en cours, du côté de la société civile, pour refuser la signature des A.P.E, comparés par un député à des « accords de pendaison économique ». Une coalition nationale baptisée «NON AUX APE» s’est dotée d’une page Facebook.
L’économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé, également connu pour sa critique du franc CFA, estime que l’agriculture du Sénégal ne « pourra jamais soutenir la concurrence avec la politique agricole commune de l’UE, qui sera subventionnée d’une manière ou d’une autre. Le peu d’industries que nous avons va disparaître en un instant et les pertes au niveau des recettes fiscales vont pénaliser nos budgets et accentuer notre dépendance à l’égard des bailleurs de fonds ».
Le collectif « Non aux APE » invite à suivre l’exemple de la Tanzanie, qui a décidé de se retirer des APE.
Manque de leadership diplomatique africain
La fronde est d’autant plus importante que sous la présidence d’Abdoulaye Wade, le Sénégal avait milité pour la renégociation des APE sur une autre base. En 2007, à l’issue d’un sommet à Lisbonne, Abdoulaye Wade avait déclaré que « pour nous, les APE c’est fini ». Le Sénégal avait également pris des mesures protectionnistes de limitation des importations d’oignon européen pour favoriser, avec succès, l’essor de sa filière de production locale . Entre-temps, le pouvoir a changé, et le président Macky Sall s’est montré plus enclin à ratifier les APE, afin de voir son pays bénéficier de l’assistance financière de l’Europe visant à « accompagner » ces fameux accords.
Depuis 2000, l’accord de Cotonou est qualifié de « baiser de la mort de l’Europe à l’Afrique » par nombre d’économistes africains comme d’experts européens. Pour rétablir une concurrence loyale entre la banane latino-américaine et africaine notamment, ce texte prévoyait en effet, à la demande de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la négociation des APE avant la date butoir de 2007 - largement dépassée en raison du refus massif des dirigeants africains. Le vent a tourné depuis, et le manque de leadership diplomatique sur le continent, après le départ du duo formé par Olusegun Obasanjo au Nigeria et Thabo Mbeki en Afrique du Sud, s’est soldé par des avancées notables de l’UE sur ce dossier.
L'ultimatum de Bruxelles pour forcer la main des dirigeants récalcitrants aux A.P.E
Les APE régionaux ont ainsi été ratifiés en juillet 2014 par la CEDEAO, de même que par l’Afrique australe, en raison de l’ultimatum lancé par Bruxelles : faute d’une ratification au 1er octobre 2014, les exportations africaines en provenance des pays à revenus intermédiaires (Côte d’Ivoire, Ghana, Cap-Vert et Nigeria pour l’Afrique de l’Ouest) auraient de nouveau été taxées à leur entrée sur le marché européen, contrairement à celles des pays les moins avancés (PMA). En servile exécutant des ordres de la métropole, le président ivoirien Alassane Ouattara a fait pencher la balance en faveur des APE au niveau de la CEDEAO, après son accession au pouvoir par les bombes françaises en 2011. Sur le plan du droit, ces accords restent à ratifier au niveau national par certains pays qui s’y sont refusés dans le cadre de la CEDEAO.
De façon notable, la région d’Afrique de l’Est, Tanzanie en tête, a persisté dans son refus de signer les APE. Une position défendue par nombre d’ONG dans les pays du Nord, parmi lesquelles Oxfam.
« Les APE prévoient non seulement la suppression des droits de douane pour les trois quarts des produits européens, mais aussi l’impossibilité de les rétablir par la suite, si la politique des pays ouest-africains devait changer », signale Pascal Erard, responsable du plaidoyer du Comité français de solidarité internationale (CFSI). En d’autres termes, c’est un piège!!! Le manque à gagner est estimé par Le Monde Diplomatique à plus de 2,3 milliards d’euros cumulés sur 15 ans en Afrique de l’Ouest. Une manne de financement autonome du développement qui va s’évaporer, sans être compensée par les aides financières de l’Europe.
Vidéo : pourquoi dire "NON AUX A.P.E" ?
Au Sénégal, un contre-conseil des ministres décentralisé est organisée pour dire "NON aux A.P.E !!!"
Le Sénégal a abrité la 103e session du conseil des ministres Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) et du conseil des ministres ACP-Union Européenne (UE) du 25 au 29 avril. Le jour de la cérémonie officielle d’ouverture tenue le jeudi 28 avril la Coalition Nationale "NON AUX A.P.E" a appelé à une manifestation à la place de l’indépendance. La mobilisation a été massive, mais les dirigeants Sénégalais ont ignoré la voix de leur population.
Macky Sall devra certainement obligé de faire face à ses concitoyens indignés de sa politique, qui entend se faire entendre lors de sa prochaine visite dans la banlieue dakaroise, dans le cadre du conseil des ministres décentralisé du 18 au 24 Juillet.
En effet, selon les dernières informations en notre possession, la coalition nationale "NON AUX A.P.E" organisera un contre-conseil des ministres décentralisé pour faire entendre une fois de plus la voix des populations Sénégalaises.
Conscients que les treize premiers conseils des ministres décentralisés, à travers les treize autres circonscriptions administratives du pays n’ont encore rien donné, les membres de la Coalition nationale "NON AUX A.P.E" comptent dénoncer l’illusion que le gouvernement du Sénégal veut vendre à son peuple.
« Macky Sall et son gouvernement ont déjà promis 3191,6 milliards de francs Cfa aux populations lors des 13 précédents conseils des ministres décentralisés en attendant celui qui se tient à Dakar cette semaine. Les 97% de l’or, les 90% du pétrole du Sénégal sont mis à la disposition des compagnies étrangères. Nos entreprises nationales sont entre les mains de l’étranger et bradées comme en atteste le dernier exemple de la Sonatel. En signant l’APE, le gouvernement augmente la rareté des ressources au détriment du peuple sénégalais et ment par conséquent au peuple car il n’aura pas les milliards qu’il promet » disent ils.
Appelant la jeunesse de la banlieue à ouvrir les yeux sur le jeu de dupe auquel s'adonnent les politiques et à rallier leur cause, la Coalition a lancé un appel au président Macky SALL :
«(…) Si Macky SALL ne sait pas comment s’y prendre, la Coalition lui suggère de dire à l’UE d’ouvrir de nouvelles négociations car les précédentes ont réuni les 16 pays de l’Afrique de l’Ouest et l’UE des 28 pays. Avec le Brexit, l’UE compte maintenant 27 pays. Or la Grande-Bretagne c’est au moins 14% du leurre que constitue le Programme des A.P.E pour le Développement (PAPED), soit un poids estimé à 6,5 millions d’euros», lui conseille la Coalition Nationale "NON AUX A.P.E."
Chaque année, ce sont plus de 300 000 jeunes diplômés qui rentrent sur le marché du travail au Sénégal. Si la population Sénégalaise ne s'oppose pas vigoureusement à ces accords, le développement industriel et la production locale du pays seront tués dans l'oeuf, de même que les emplois durable qui auraient pu être créés pour ces jeunes... C'est donc une bonne partie de ces jeunes qui sera exclue du tissu économique du pays et fatalement condamnée à mourir entre l’océan atlantique, le désert du Sahara ou la mer méditerranée.
Disons "NON AUX A.P.E !!!", signons la pétition !
La Coalition Nationale "NON AUX A.P.E" a lancé une pétition internationale le 12 juillet à Dakar, avec le soutien de 84 universitaires, députés et syndicalistes, en vue de rassembler 5 000 signatures afin de faire pression sur le Conseil économique et social (CES). A ce jour la pétition a déjà atteint plus de 17863 signatures.Nous invitons tous les africains et afro-descendants à signer massivement et à faire signer cette pétition par tous leurs proches, afin de dire "NON AUX A.P.E"
.Par la rédaction © AfroPolitis