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[Economie] Production d'énergie solaire : le dindon de la farce

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Caricaturer les choses permet quelques fois de mieux les mettre en évidence : pendant plus de 50 ans la France s'est érigée en championne toutes catégories confondues de l'énergie nucléaire civile. Contrairement à des puissances comme les États-Unis, la Russie, la Chine ou le Canada, qui sont de gros producteurs sur leurs sols d'uranium, jusqu'à 8200 tonnes pour le Canada en 1999, la France n'en produisait que 410 tonnes.

À défaut d'en disposer dans son sous-sol, depuis le général De Gaulle, l'Hexagone s'est assis sur les réserves du Niger : près de 3000 tonnes exploités sur la même période, en quasi-totalité exportés vers les centrales nucléaires françaises.

Sortant de la seconde guerre mondiale avec un outil de production largement affaibli, parce qu'en partie détruit, cet énergie nouvelle, peu coûteuse, a permis le redécollage du pays. C'est toute l'industrie lourde grosse consommatrice d'électricité, qui a pu redémarrer. On peut citer pêle-mêle l'industrie sidérurgique, mais aussi l'aéronautique, l'automobile, le domaine spatiale et bien entendu la consommation civile. Les chantiers navals, Airbus, Peugeot, Renault, l'électronique de pointe, le Luxe, le tourisme, la recherche agronomique, et tout ce qui fait aujourd'hui la grandeur de la France, n'aurait pu être développé à ce rythme effréné, sans cet énergie nucléaire.

Pendant ce temps, le Niger pompé, sucé, et essoré, ainsi que ses voisins, ont végété entre les statuts peu glorieux de « pays en voie de développement», puis « pays sous développé », pour termnier en tant que « pays pauvre très endetté. » Aujourd'hui, le maître mot en France dans les politiques énergétiques c'est la transition énergétique. Cette expression très en vogue désigne une modification structurelle profonde des modes de production et de consommation de l'énergie. Et parmi les nombreux volets de ce programme, figure la réduction du recours aux combustibles nucléaires, dont l'uranium.

Nous sommes en 2020. Il s'entend donc que si d'aventure le Niger décidait aujourd'hui de se lancer dans un programme de centrale nucléaire pour accélérer son développement, comme l'a fait la France entre la fin de la seconde guerre et le milieu des années quatre-vingt, le pays n'y serait pas encouragé par le tuteur politique, et financier qui est la France : « trop polluant, des déchets radioactifs intraitables, et en plus, des problèmes de sécurités avec des djihadistes à deux pas. Vous avez du soleil toute l'année et plein de vent dans le désert. Optez donc plutôt pour les énergies renouvelables, l'hydraulique, l'éolien et le solaire !»

Oui très bonne idée, sauf que le Niger comme les trois quart des pays africains n'a ni l'expertise, ni l'outillage pour produire le matériel de base nécessaire à la construction de ces centrales d'un nouveau genre. Pas de problème, chers amis nigériens, durant 50 ans grâce à l'énergie nucléaire, produite à partir de votre uranium, la France a développé toutes sortes d'industries modernes grâce auxquelles elle est aujourd'hui en mesure de vous livrer, donc de vous vendre, des dispositifs aérogénérateurs clés en main : des éoliennes, des moulins à vent etc. Et pour vos centrales solaires photovoltaïques, elle dispose aussi de stocks de modules solaires prêts à être installés, qui ont été développés durant les belles années du nucléaire civile.

Et si les nigériens veulent avoir la démonstration de l'efficacité française, qu'ils jetent un coup d'œil au modèle sénégalais. En 2018 le Sénégal inugurait sa 4e centrale solaire, celle de Ten Merina. Ce projet a été porté par la société française d’investissement Meridiam, qui s’est associée, pour sa construction et son exploitation, bien entendu à ses compatriotes Solairedirect et Eiffage. Qui est fou ? Ces investisseurs ont obtenu un prêt de 34,5 millions d’euros de Proparco et de la Société belge d’Investissement pour les Pays en Développement (BIO), pour un financement total estimé à 43 millions d’euros. Ai-je besoin de vous préciser que le prêteur, Proparco est une filiale de l'AFD, l'Agence Française de Développement. La boucle est bouclée...

*Etre le dindon de la farce = cette métaphore, non dénuée d'humour, signifie « se faire duper ». Elle désigne donc l'état d'un malheureux, le plus souvent naïf, qui se retrouve berné, après une affaire.

Par Jean Christian Konan

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