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Afrique : la restitution des œuvres d'art pillées pendant la colonisation est une "guerre froide"

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Longtemps réclamées par des gouvernements africains, des organisations de la société civile et de nombreux intellectuels, la restitution des œuvres d'art africains pillées pendant la colonisation et confisquées par la France, fait l'objet d'une revendication constante, "une guerre froide". Missionnés par le président français Emmanuel Macron, des universitaires africains et français viennent de rédiger un rapport préconisant notamment un accord bilatéral de coopération culturelle entre la France et les pays africains. Le docteur Amzat Boukari-Yabara nous donne sa lecture et ses préconisations sur ce processus engagé devant aboutir à terme à la restitution de certaines œuvres...

Sans mettre en doute la démarche du Bénin et de quelques associations sur ce dossier, je suis méfiant sur la position soudainement unanime de l'exécutif français sur la restitution des oeuvres d'art pillées pendant la colonisation. Il est évident que ces oeuvres, dont beaucoup sont juste stockées sans même être exposées pour des raisons peut être implicitement racistes, ont leur place en Afrique. Néanmoins, j'attends de lire le rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy car pour moi, un "accord bilatéral de coopération culturelle" entre la France et les pays africains ne ferait que maintenir le patrimoine africain dans un rapport de colonialité.

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Quand il est d'ailleurs écrit que 85 à 90% du patrimoine historique africain serait hors du continent, il faut préciser que ceux qui ont défini ce qui est et ce qui n'est pas du patrimoine africain sont probablement à 90% les colons et les experts occidentaux eux-mêmes. Des objets royaux ont été volés durant la colonisation, mais on sait aussi que des objets sans intérêt ont été pris en fétiche et remplis de fantasmes exotiques une fois exposés dans les musées européens.

A mon avis, la majorité du véritable patrimoine historique et culturel africain est encore en Afrique, mais comme ce patrimoine-là n'est pas classé comme tel par ceux qui ont le pouvoir de classer, ce patrimoine est sous-estimé, y compris par nous-mêmes Africains dès lors que nous ne sommes plus capable de renouer en particulier avec nos spiritualités.

Si chacun en Afrique fait le travail, nous verrons que les 90% de ce qui est en dehors ne représente peut être que 10% de ce que nous avons sur place, tellement le patrimoine africain est riche et continue à être pillé chaque jour.

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Je pense qu'à force de lorgner sur le retour de ce qui nous a été pris pendant la colonisation, nous baissons la garde sur ce qui nous est pris quotidiennement en terme de patrimoine notamment immatériel. La question est bien évidemment beaucoup plus complexe et l'issue n'emporte pas ma conviction.

Personnellement, à défaut d'un embargo sur l'envoi de nos productions africaines qui régénèrent et ré-enchantent le monde de la création occidentale [le tableau arrive mais le peintre n'a pas le visa], je plaide depuis le départ pour une saisie autoritaire de tous les biens et avoirs occidentaux en Afrique représentant un montant équivalent à celui auquel nous évaluons nos oeuvres d'art retenues en otage dans les musées occidentaux.

Et on fait l'échange comme du temps où les Soviétiques et les Américains échangeaient leurs espions au milieu du pont. Il faut gérer ce dossier comme un dossier de guerre froide et pas comme une affaire de bons sentiments jupitériens.

Par Amzat Boukari Yabara - historien, chercheur et auteur de "Africa Unite".

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