À l'instar du Nigéria, de l'Afrique du Sud, du Ghana, du Kenya, et de l'Ouganda, l’Éthiopie s’est lancée dans la conquête spatiale depuis quelques années. Après le lancement réussi de son premier satellite le 20 décembre 2019, elle en est aux dernières étapes pour le lancement d’un deuxième, un satellite de télédétection dans l’espace, toujours avec le soutien technique de la Chine. Toutefois, à l'heure où les défis géopolitiques mettent l'Afrique sous une pression économique et politique sans précédent, ne convient-il pas de s'interroger sur la pertinence d'un projet spatial à l'échelle continental ?
Si le premier satellite baptisé "Ethiopian Remote Sensing Satellite"(ETRSS-1) était destiné à améliorer la connaissance des ressources agricoles, forestières et minières du pays et aussi de contribuer à une meilleure réponse aux catastrophes climatiques, le second satellite baptisé AT-SMART-RSS est plus évolué, l'on parle un nanosatellite, qui permettra de recueillir les mêmes types de données mais avec plus d'efficacité et de précision, afin de mieux prévenir les inondations et les catastrophes naturelles.
Ce nouveau satellite – qui est en fait un nanosatellite 6U à haute résolution de 8,9 kg – a été développé, assemblé et testé en Chine, par la société chinoise Smart Satellite Technology et l’Institut éthiopien des sciences et technologies spatiales (ESSTI), conformément à l’accord de co-développement, signé entre la Chine et l'Ethiopie le 23 août 2019 au Beijing Sun Valley Industrial Park, en Chine.
Ce satellite qui a coûté environ 1,5 million USD, traduit la continuité de l’engagement pris en 2016 par la Chine de soutenir l’Ethiopie dans le domaine spatial, suivant les termes d'un accord de coopération signé à cet effet. Rappelons que l’actuel Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, représentait alors son pays en tant que ministre de la Science et de la Technologie.
Notons que ce projet a mobilisé 21 techniciens éthiopiens, formés par China Academy of Space Technology, qui en a assuré la maîtrise d'oeuvre. Le lancement du premier satellite a été réalisé par la fusée chinoise Long March 4B. D’un poids de 70 kg, ETRSS-1, satellite de télédétection multispectrale d'une valeur d'environ 6 millions USD, avait été financé à 75% par la Chine.
Ces investissements visent à transformer le pays en carrefour de l’industrie spatiale comme l’a indiqué dans une interview exclusive avec The EastAfrican , le directeur général de l’Institut éthiopien des sciences et technologies spatiales (ESSTI), Solomon Belay.
« Au cours des six derniers mois, nous avons fourni de vraies images satellites à un certain nombre de secteurs, entre autres au secteur agricole, aux universités et aux centres de recherche. Nous échangeons également nos données satellitaires avec de nombreux autres pays, notamment en Asie », a-t-il déclaré.
L’Ethiopie rêve grand et veut faire partie des pionniers en matière de conquête spatiale sur le continent. Pour cela, elle envisage mettre sur pied une usine d’assemblage pour servir toute la sous-région.
« Une fois le centre d’assemblage et de fabrication de satellites terminé, les pays d’Afrique de l’Est n’auront plus à envoyer leurs satellites au Japon, en Chine ou en Europe. Ils pourront venir en Ethiopie. Cela ouvrirait davantage la voie à la collaboration et à l’intégration régionales », a renchéri M. Solomon Belay qui invite tous les gouvernements africains, les organisations non gouvernementales et le secteur privé à s’impliquer dans l’industrie et les activités spatiales.
Il s’agit pour le gouvernement éthiopien de lancer d’ici 2030, sept nouveaux satellites dans l’espace. Mais ce nombre sera de 10 nouveaux d’ici 2035. L’Ethiopie veut même se doter d’une usine d’assemblage et de fabrication de satellites.
Le Nigeria a déjà un programme spatial, tout comme l'Afrique du Sud, via sa propre agence Sansa qui a vu le jour en 1980. Le Kenya, qui a déjà travaillé avec l'Italie sur le lancement de satellites, réfléchit à coopérer avec l'Ukraine. Enfin, l'Ouganda, qui aimerait profiter de sa position sur l'équateur pour lancer des satellites, tout comme le Ghana, qui possède son propre centre technologique.
Toutefois, à l'heure où les défis géopolitiques mettent l'Afrique sous une pression économique et politique sans précédent, ne convient-il pas de s'interroger sur la pertinence d'un projet spatial à l'échelle continental ?
Kouadio KOUAMÉ, directeur de la publication - AfroPolitis Média
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